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La crème pâtissière sert de base à de nombreux appareils utilisés en entremets.
La crème pâtissière sert de base à de nombreux appareils utilisés en entremets. © A. TANDEAU

Obtenir la crème de la poudre crème : un savoir-faire artisanal

Les poudres à crème pâtissière sont utilisées par les plus grands chefs pâtissiers. Comment choisir la référence la plus adaptée à sa situation ? Comment optimiser le goût du produit fini ? Conseils de professionnels pour choisir et travailler cet ingrédient technique.

La poudre à crème est un ingrédient pâtissier assez simple, dont la composition comprend a minima un amidon (natif ou modifié, selon l’application), un colorant alimentaire jaune-orangé (riboflavine, rocou, carotène, etc.) et un arôme vanille (vanilline et dérivés). Ces deux derniers éléments sont aujourd’hui très discrets (faiblement dosés) et bien souvent totalement safe, les grandes marques ayant fait des efforts considérables ces dix dernières années pour permettre aux artisans de concilier naturalité, santé, goût et rentabilité.

Clean label

Cette liste d’ingrédients (dont la tendance est de devenir la plus courte et la plus naturelle possible) concerne les crèmes dites à chaud, qui sont les plus utilisées en artisanat. Ces poudres exigent d’ajouter du lait, des œufs et du sucre et de porter le tout à ébullition, afin d’assurer l’épaississement de la préparation, par gélatinisation de l’amidon ; mais aussi la sécurité bactériologique du produit fini, par pasteurisation.

Pour Mathieu Blandin, champion du monde de pâtisserie 2013 et consultant, « les différences entre les marques à chaud — pour une même application — se situent surtout sur le goût vanille — rondeur, intensité, complexité — et la couleur : de blanc crème à jaune intense. Chaque pâtissier aura ses préférences. Certaines formulations sont aussi plus clean que d’autres, avec, par exemple, un amidon natif [non modifié, NDLR], un colorant naturel ou une vanille extraite de gousses. Les arômes et colorants sont également sélectionnés et dosés pour répondre aux attentes des consommateurs et des professionnels, sachant que les fabricants misent aujourd’hui sur une certaine discrétion pour faciliter l’aromatisation et le mélange à d’autres bases », explique-t-il.

Vous l’aurez compris : l’intérêt d’une poudre à crème tient essentiellement à la qualité de l’amidon. Les meilleurs amidons offrent une texture fine et onctueuse, bien plus agréable à la dégustation que la farine blanche, qui procure une sensation sableuse ou farineuse.

Des amidons technologiques

L’amidon utilisé est extrait du maïs, du riz ou de la pomme de terre (il est présent également dans la farine de blé). Il gélatinise à chaud et permet d’épaissir la préparation. L’amidon natif peut être modifié de diverses manières pour permettre un travail à froid (la gélatinisation se fait dans l’eau froide) ou assurer une stabilité parfaite à la congélation/décongélation : l’amidon gélatinisé fixe l’eau libre et évite les altérations visuelles : fissures, exsudations, dessèchements, etc.

En fin de compte, la poudre à crème est à la pâtisserie ce que l’amidon de maïs (type Maïzena) est à la cuisine. Bien qu’utilisé parfois en tant qu’alternative à la poudre à crème, cet amidon n’est toutefois pas aussi performant. « La sélection des amidons par le fabricant dépend de la texture recherchée, au dosage conseillé, de l’application du produit — directe, congélation, cuisson au four — et de la base de la recette, souligne Sébastien Cantrelle, chef pâtissier, formateur, consultant indépendant et ambassadeur des marques Irca Group. Tandis que l’amidon de maïs pur est préférable dans une base de fruit, la poudre à crème conviendra mieux sur une base laitière, ce qui est le cas pour la plupart des crèmes en pâtisserie. Garantie sans gluten, elle ne posera aucun problème de texture, de stabilité ou de grumeaux, ni même d’intolérance ou d’inconfort digestif », précise-t-il.

L’aromatisation est un levier pour monter en qualité. (© A. TANDEAU)

Chacun son petit secret

Pour réaliser une crème pâtissière à chaud, une multitude de recettes existe. Elles vont se distinguer par une consistance plus ou moins épaisse et onctueuse, une saveur plus ou moins gourmande et un coût plus ou moins élevé.

« Certains chefs vont inclure des œufs frais ou simplement du jaune d’œuf, poursuit Mathieu Blandin. D’autres vont y mettre du lait — demi-écrémé ou entier, UHT ou pasteurisé —, de la crème laitière à 30 ou 35 % de matières grasse, ou même du beurre à 82 ou 84 % de matières grasses. Certains vont vouloir renforcer ou arrondir l’arôme vanille avec le caviar [les graines, NDLR] et la gousse, en infusion dans le lait ou en incorporation dans la crème finie. D’autres vont chercher à baisser la dose de sucre dans la préparation pour des questions de santé ou de goût. La qualité gustative va dépendre de l’équilibre entre tous les ingrédients, et du tour de main, estime-t-il. Pour ma part, j’aime bien mélanger les ingrédients secs — poudre à crème, sucre — avant d’introduire les œufs ou le lait chaud, ce qui permet de bien lisser la préparation. En entreprise, il faudra rester vigilant sur le coût de revient, qui peut rapidement monter ; sachant que la poudre à crème reste bon marché, avec environ trois euros le kilo pour une crème à chaud, quatre euros pour une crème à froid. Pour un litre de lait — entre 1,2 ou 1,5 litre de crème selon la recette —, cent grammes de poudre à crème environ sont nécessaires, soit entre trente et quarante centimes d’euro, ce qui ne pèse pas lourd sur le coût total », évalue Mathieu Blandin.

Des textures addictives

Utilisée souvent à 100 g au litre de lait (le dosage conseillé varie selon les marques), la crème à chaud offre une texture fine, soyeuse et crémeuse en bouche, largement plébiscitée en France par les professionnels et les consommateurs avertis. « Après une première cuisson — une courte ébullition —, la crème est remisée au froid, idéalement dans une enceinte de réfrigération rapide pour éviter tout risque bactériologique, détaille Sébastien Cantrelle. Elle va alors prendre une texture assez compacte : il faudra la battre au fouet pour obtenir une consistance crémeuse. Pour la préparation d’un flan, il est préférable de baisser la dose, à quatre-vingts grammes au litre de lait, par exemple, ajoute-t-il, et d’introduire en toute fin de première cuisson — en début de refroidissement — un peu de crème liquide à 35 % de matière grasse. Cela permet non seulement de sortir la crème du pasto-cuiseur plus facilement mais aussi, et surtout, d’obtenir, après une seconde cuisson au four, un flan hyper-crémeux et stable qui va offrir une qualité gustative très appréciée aujourd’hui. »

Remarquez au passage que les flans “à la parisienne”, très vanillés, compacts et caoutchouteux (sans fonds de pâte sucrée ou feuilletée), ne sont plus au goût du jour, au contraire des flans pâtissiers crémeux et fondants associés à une bonne pâte sucrée qui reviennent en force dans les bonnes boulangeries.

Le goût et le coût

La crème à froid est utilisée à 400 g au litre d’eau. En plus d’un amidon modifié, d’un arôme vanille et d’un colorant, elle contient aussi de la poudre de lait et d’œuf. « Elle est moins utilisée en artisanat, davantage en GMS [grandes et moyennes surfaces, NDLR] et en industrie. Elle offre l’avantage d’être très stable à la congélation et à la cuisson et d’offrir une haute sécurité microbiologique. Mais elle est de moins bonne qualité gustative en général [il existe des références supérieures, NDLR] et s’utilise lorsque l’on veut retrouver de la rentabilité sur la pâtisserie », reconnaît Sébastien Cantrelle.

Avec une crème pâtissière stable à la cuisson, l'offre de viennoiseries gagne en gourmandise. (© A. TANDEAU)

C’est un choix que l’on peut faire lorsqu’on est seul à la production, quand l’entreprise est en difficulté ou si le goût de la crème est secondaire, comme dans les viennoiseries à la crème ou les tartes traditionnelles aux fruits, crus ou cuits. « En artisanat de manière générale, il vaut mieux privilégier la haute qualité avec les grandes marques et les références haut de gamme à chaud, plutôt que de chercher un prix, assure Mathieu Blandin. Pour un litre de crème pâtissière, on va être autour de 1,70 ou 2 euros de coût de revient pour une bonne poudre à crème, soit 17 ou 20 centimes d'euro pour un éclair. Cela reste très intéressant en termes de valeur ajoutée, souligne le chef consultant. Ce choix sera gagnant dans tous les gâteaux où une bonne qualité de crème est attendue : millefeuilles, éclairs, saint-honorés, fraisiers… »

En définitive, que ce soit à chaud ou à froid, la sélection d’une poudre à crème repose en général sur deux critères : la polyvalence et le goût. Le fait de pouvoir utiliser une seule référence dans toutes ses applications est un gros avantage. Pour choisir la meilleure, il faut tester et goûter. Faire des essais comparatifs avec ses équipes peut être intéressant pour évoluer dans son choix.

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