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Les constructeurs ont fait évoluer leur machine pour mieux respecter les pâtes “tradition” (photo  : Trégor Alvéo+ de Merand, rouleau de laminage avec alvéoles).
Les constructeurs ont fait évoluer leur machine pour mieux respecter les pâtes “tradition” (photo  : Trégor Alvéo+ de Merand, rouleau de laminage avec alvéoles). © A. TANDEAU

Les façonneuses : un patrimoine national industriel… et artisanal (1/5)

[VIDÉO] Les façonneuses actuelles sont issues d’un long processus d’innovation qui remonte aux années 1950. Autrefois synonymes de progrès, elles ont porté la boulangerie artisanale vers la modernité. Aujourd’hui, elles incarnent pleinement la tradition boulangère artisanale à la française.

Les façonneuses mécaniques reproduisent la gestuelle complexe des mains du boulanger pour la mise en forme des baguettes. En trois étapes successives (laminage, enroulement et allongement), elles assurent ainsi le calibrage des pâtons, la soudure de la clé, le maintien des gaz dans la pâte et la bonne orientation du réseau de gluten. Le tout en deux ou trois secondes. 

Elles ont donc le gros avantage d’accélérer la cadence de production (jusqu’à 1 500 baguettes par heure) tout en allégeant considérablement la pénibilité physique. Pour que chacune de ces opérations s’effectue à la perfection en un temps aussi court, rien n’est laissé au hasard. Les dimensions et la qualité du feutre des tapis coursiers (entraînés), la conception du tapis “lourd” (enrouleur), la surface des rouleaux de laminage, le moteur et la vitesse d’entraînement, le réglage des écartements… tout est méticuleusement étudié.

Le modèle horizontal Sprint du constructeur Guibert en 1954 (société rachetée par Merand Mécapâte en 1970). (© MERAND)

À l’ère du progrès

La technologie actuelle est en réalité la résultante d’innovations de rupture et d'un processus d’amélioration continue, qui démarrent véritablement dans les années 1950, décennie de grande dynamique industrielle ayant notamment vu arriver dans les fournils la méthode “pain blanc” et le pétrissage intensif. 

Avec les premières façonneuses (qualifiées plus tard d’horizontales), l’allongement des pâtons s’effectuait entre un tapis entraîné supérieur et une table fixe inférieure mimant fidèlement le geste de finition du boulanger. À cette époque, une vingtaine de marques se partageaient le marché français (Marchand, Matfour, Guibert, Bertrand, Hersan, Capdepont, Audubert, etc.) et cette concurrence industrielle a rapidement fait évoluer la techno­logie tricolore. 

En 1953, Puma lance la première façonneuse verticale — ou oblique —, dont l’étape d’allongement repose sur deux tapis tournant en sens opposé de manière inclinée (le pâton est maintenu en suspension entre un tapis ascendant et un tapis descendant). Plus compacte et plus efficace, cette façonneuse d’un nouveau genre relancera la dynamique concurrentielle, et la technologie verticale supplantera l’horizontale dans les années 1970.

Le meilleur de ce savoir-faire industriel a été intégralement transmis aux constructeurs actuels (Bertrand Puma, Merand, Jac, notamment) au gré de la concentration du marché (Matfour acheté par Jac Machines, Guibert par Merand Mécapâte, Puma par Machines Bertrand, etc.). 

Pour autant, les façonneuses ont aussi évolué avec leur temps, en phase avec les attentes de consommation (pains de tradition, au levain, aux graines, par exemple) et avec les évolutions socioprofessionnelles et réglementaires pour ce qui relève de la sécurité, de l’ergonomie, de l’hygiène et de la qualité de vie au travail. 

Aussi, la différence entre les marques se situe surtout au niveau du confort à l’usage : protection de l’opérateur, ergonomie des manettes de réglage, niveau sonore du moteur, facilité de nettoyage et d’entretien… Malgré ces avancées, le poste de travail reste relativement éprouvant pour l’organisme, surtout si l’installation de la façonneuse a été mal pensée. Rappelons que les transferts des pâtes entre la diviseuse, le repose pâtons, la façonneuse et le dépôt sur couches/filets doivent se faire avec un minimum de contraintes pour le dos et le tronc.

Indissociables de la diviseuse et du repose pâtons, les façonneuses contemporaines ont beaucoup progressé en termes de confort de travail. (© A. TANDEAU)

Pour toutes les bonnes pâtes

Si les versions verticales sont toujours largement préférées pour leur polyvalence et leur compacité, les façonneuses horizontales ont aussi leurs adeptes. Elles assurent un façonnage plus soft, tout en douceur, sans échauffement et sans dégazage. Elles sont particulièrement recommandées pour les pâtes fragiles, très hydratées ou longuement fermentées, et donc dans les process de pousse lente sur levain liquide et farines faibles (blés paysans ou anciens).

Les façonneuses verticales, qui exercent une tension légèrement plus forte sur le pâton, sont mieux adaptées aux pâtes plus tenaces conduites sur levure et farines classiques. Toutefois, les modèles de dernière génération permettent aussi d’obtenir de très bons résultats sur des pâtes très hydratées et pointées, grâce à des possibilités de réglages étendues. Évidemment, les pâtes trop visqueuses ou trop douces, souvent cuites en moules et dépourvues de gluten fort, auront plus de mal à passer.

Le poids des pâtons accepté est situé entre 50 g et 1,5 kg (la fourchette est variable selon les marques), ce qui permet de produire une grande variété de pièces, au format allongé ou plus trapu. Notez que pour obtenir des baguettes longues au calibrage parfait, la maîtrise du pétrissage et du pointage est impérative afin d’obtenir la plasticité requise (extensibilité, élasticité, ténacité). 

Des pâtes trop fortes, trop fermes ou croûtées donneront de mauvais résultats (retraits, cintrages, déchirements, par exemple) tout comme des pâtes trop molles, extensibles ou collantes. L’acquisition d’une façonneuse ne permet donc pas de combler un manque de compétences ou de main-d’œuvre qualifiée. Au contraire, les boulangers qui (re)viennent à ce process cherchent bien souvent à améliorer et à revaloriser un patrimoine artisanal et historique (de renommée mondiale), celui de la baguette à la française. 

Lire le reste du dossier :

- L’Euro 2000 SR de Bertrand Puma

- La Trégor de Merand

- L’Ultima de JAC

- La Major de Bongard

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