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Eugène Abraham.
Eugène Abraham. © Aocdtf/Florent Pottier.

« Nous faisons évoluer nos formations pour répondre à la soif de comprendre » (3/3)

Entretien avec Eugène Abraham, responsable de l’Institut des métiers du goût des Compagnons du devoir.

Depuis 2007, l’Institut des métiers du goût des Compagnons du devoir, qui a récemment publié une étude prospective sur la profession de boulanger en 2035, réalise une veille sur l’évolution des métiers de bouche en France et ailleurs. Entretien avec Eugèn­e Abraham, son responsable, qui revient sur la formation proposée par les Compagnons du devoir, aux jeunes en décrochage scolaire notamment, ainsi que sur ses évolutions.

La Toque : Pourquoi des jeunes sortis du système scolaire se tournent vers vous ?

Eugène Abraham : « Nous leur permettons de remettre un pied à l’étrier. Ils viennent chez les Compagnons du devoir pour vivre la vie en communauté, suivre une formation, voyager, acquérir une autonomie financière grâce à un contrat professionnel ou à un contrat d’apprentissage. Souvent, ils n’ont pas idée qu’un métier, cela s’apprend sur plusieurs années. À la télévision, les émissions leur montrent l’aboutissement de plusieurs années de travail, or, certains jeunes voudraient réussir à fabriquer tout de suite une super baguette…

© Aocdtf/Florent Pottier. - Eugène Abraham

LT : Que découvrent-ils ?

E. A. : Nos formateurs sont jeunes et accompagnent humainement chaque élève. Dans notre dispositif d’apprentissage par l’immersion en entreprise, le formateur va sur place rencontrer l’apprenti, qui conserve ainsi une proximité avec son tuteur. Nous leur disons : “Ce que tu vas acquérir c’est ta carte de visite, ce qui te permettra de te forger une opinion sur le métier, dans une entreprise structurée et avec la pression liée à l’exigence de productivité.” Ils sont aussitôt confrontés à la réalité du terrain : se lever à 3 heures du matin, peu ou pas de reconnaissance, des jours de congés non respectés et un salaire sans véritable évolution possible…

LT : Comment les intéresser au monde de la boulangerie ?

E. A. :Aujourd’hui, un métier manuel ne s’apprend pas que par mimétisme. Un jeune boulanger ne peut pas être un simple exé­cutant, il doit acquérir de la connaissance. Il est nécessaire de lui expliquer les inter­actions moléculaires, le monde du vivant du pain. Pourquoi la pâte n’a pas développé ? Pourquoi le pain n’a pas de brillance à la sortie du four ? Nous faisons évoluer nos formations pour répondre à cette soif de comprendre.

LT : Et côté entreprise ?

E. A. : Le maître de stage doit être bienveillant et avoir envie de transmettre en laissant du temps au jeune. On voudrait que celui-ci soit déjà un homme accompli ; or, à 15 ans il est en pleine construction personnelle. Il a quitté le système scolaire pour rentrer dans la vie active mais il ne peut pas être un superhéros qui pétrit et défourne en l’absence du patron… Et si le métier d’artisan n’est pas fait pour lui, il existe de beaux postes en meunerie, dans des entreprises comme Lesaffre, à l’international, en recherche et développement, en restauration, etc. La boulangerie, ce n’est pas que l’entrepreneuriat, le jeune doit avoir le choix et une visibilité sur l’aveni­r. »

Pour en savoir plus, rendez-vous sur : www.compagnons-du-devoir.com/

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